25. juin 2020

Les paysans de montagne valaisans se sont habitués aux étés secs au cours des siècles passés mais pas aux pluies diluviennes. Une visite à flanc de coteau.

tob. Ried-Mörel, à 1168 mètres d’altitude, est baigné de soleil du matin au soir. En 1980, Ruth et Reinhold Berchtold y ont repris une petite ferme. Ruth est née en 1960 et vient d’Ernen, un village situé un peu plus en amont dans la vallée du Rhône. Rheinhold, deux ans plus âgé, a une formation de travailleur social et d’éducateur. Il a grandi à Ried-Mörel où son père était agriculteur à temps partiel. Ils ont voulu dès le début produire de manière biologique.

C’est ainsi qu’ils ont fondé la première ferme biologique du Haut-Valais. Ils élevaient des vaches mères, des porcs et des poules et vendaient avec succès les produits de la ferme directement à leurs clients. « Au début, la Confédération nous payait encore pour que nous ne produisions pas de lait », racontent-ils. En 2011, ils ont cédé leur exploitation à Stefan Wyss, né en Thurgovie, et son épouse Simone Loretan, qui avaient répondu à leur annonce. Ils ont été choisis pour reprendre la ferme. Depuis, la famille habite avec leurs enfants Lilith et Melchior à Ried-Mörel. Ruth et Reinhold continue de les aider à la ferme et sont comme des grands-parents pour les deux enfants.

Les avantages des bisses

Les versants sud valaisans s’assèchent rapidement. C’est pourquoi, les paysans ont construit les bisses, ces canaux de plusieurs kilomètres qui mènent depuis des siècles l’eau des glaciers à leurs prairies. Aujourd’hui, cet immense travail profite aussi à Stefan. Il arrose ses prés avec l’eau venue du glacier d’Aletsch et sans quoi, le fourrage manquerait à son bétail. Autrefois, un bisse conduisait l’eau de l’Aletsch en faisant le tour de la montagne, aujourd’hui, elle coule par une galerie jusqu’à Ried-Mörel. « C’est une bonne chose que les anciennes conduites d’eau soient à nouveau entretenues ici », se réjouit Stefan. Si, autrefois, elles ne servaient qu’à l’irrigation, aujourd’hui elles peuvent aussi évacuer l’eau au-delà du village, surtout quand il pleut trop. Cela apporte un certain soulagement au niveau local, mais ne résout pas le problème.

« Les fortes précipitations après des périodes de sécheresse se sont multipliées, ce qui pose problème dans les régions de montagne en raison des glissements de terrain et des laves torrentielles », dit Ruth Berchtold. De plus, une grande partie de l’eau ruisselle simplement sur le sol parce qu’elle ne peut pas être absorbée assez rapidement. Reinhold ajoute : « Ces évènements extrêmes montrent bien que nous sommes déjà en pleine crise climatique. » Cette année, la neige a fondu très tôt après un hiver doux, puis des semaines sans pluie ont suivi, provoquant pour le sol un manque d’humidité printanière.

Trop d’une seule fois

Quand Stefan est passé en Thurgovie lors de l’été caniculaire de 2018 « les champs y étaient aussi secs que les versants du Valais que nous ne pouvions irriguer avec les bisses. Je n’avais encore jamais rien vu de tel. » Son frère qui a une ferme en Allemagne de l’Est, lui a raconté que son bétail avait dû rester à l’étable car l’herbe ne poussait plus à cause de la sécheresse. « Et lorsque plus tard, la pluie est arrivée, ils ont pratiquement dû rentrer le foin en bateau gonflable. » Les paysans des plaines ont les mêmes problèmes que ceux des montagnes. Au Valais, on a réagi aux étés secs il y a des siècles en construisant les bisses et, grâce à la fonte des glaciers, l’eau y coule encore suffisamment.

Ce n’est pas le cas pour d’autres régions alpines et encore moins pour le Plateau. A Ried-Mörel aussi, les conflits autour de ce bien vital ont augmenté : les paysans ont besoin d’eau pour leurs prés mais l’industrie du tourisme veut en stocker autant que possible pour les canons à neige, nécessaires en hiver pour faire de belles pistes.

En été, la famille de Stefan mène son bétail sur la Varneralp près de Sierre. Grâce aux bisses, qui apporte « l’eau sainte » sur la prairie, les vaches et leurs veaux trouvent encore assez d’herbe. Mais pour combien de temps encore ? Et les orages ? Et les dégâts causés à la forêt protectrice par la sécheresse et les tempêtes ?