22. septembre 2016

Clair dans son expression et engagé dans sa mission : Jon Pult, président. Photo : Béatrice Devènes

Les années à venir seront décisives pour la protection des Alpes et pour le transfert du trafic au rail, affirme Jon Pult, président de l’Initiative des Alpes. Nous ne chômerons pas, bien au contraire.

tob. La NLFA est en exploitation. Les capacités sont suffisantes pour transférer le trafic au rail. L’Initiative des Alpes a-t-elle encore sa raison d’être?
Jon Pult: Nous avons l’infrastructure nécessaire à présent et la priorité en termes de politique des transports est de transférer. Il est évident que de leur propre chef, les transporteurs ne choisiront pas le rail. Le Conseil fédéral et le Parlement sont trop souvent sous l’emprise du lobby de la construction, des routes et des poids lourds, l’Initiative des Alpes joue donc le rôle d’avocate. Il est temps pour nous d’accentuer la pression afin d’atteindre l’objectif de transfert.

Et quel est le rôle de l’Initiative des Alpes?
Un changement de génération a eu lieu au sein de notre organisation. Nous avons accueilli et accueillons de nouveaux collaborateurs. Au comité, dans l’équipe d’Altdorf et à la base, nous sommes en plein renouvellement et notre manière d’agir évolue. Afin d’être en mesure d’établir la pression citée ci-dessus, nous ne devons pas seulement fonctionner en tant qu’organisation spécialisée compétente mais aussi poursuivre une constante logique de campagne. Les campagnes lancées ne précéderont pas uniquement les votations. C’est pourquoi notre direction a engagé un organisateur de campagne qui met à disposition de l’équipe sa grande expérience et de nouvelles connaissances.

« La question climatique est le nouveau défi dans les transports et pour la protection des Alpes également. » Jon Pult

Comment réagit l’Initiative des Alpes aux changements dans le monde de la communication et du paysage médiatique?
Les médias sociaux ont pris beaucoup d’importance, Facebook et Twitter rayonnent aujourd’hui bien plus loin qu’une page Internet. Ces nouvelles voies de communication concurrencent même entre temps notre journal « échos ». Le travail médiatique classique est adapté en permanence. A l’instant, nous élaborons de nombreuses nouvelles idées, nous voulons travailler de manière encore plus ciblée et plus proche du Palais fédéral afin de pouvoir reconnaître encore plus tôt les évolutions politiques et les influencer en faveur de la protection des Alpes. Notre professionnalisme doit augmenter car les années à venir seront décisives pour la protection des Alpes et le transfert.

Le thème transfert du trafic est-il politiquement encore présent?
Lors de la campagne de votation sur le 2e tunnel au Gothard, tous ont assuré – souvent de manière hypocrite – être favorables au transfert. Trois jours après la votation cependant, le Conseil national a transmis une intervention demandant à relativiser l’objectif de transfert. Voilà une preuve de l’hypocrisie d’une partie de la politique et contre laquelle il n’existe qu’un seul moyen efficace : la force politique. La politique doit comprendre que la population est de notre côté et qu’il n’est pas si simple de travailler contre nos objectifs. Nous relancerons donc le sujet sur le parquet politique. Grâce à un lobbying efficient à Berne parallèlement étayé d’une organisation de campagne efficace auprès du grand public.

Que va faire l’Initiative des Alpes?
Nous sommes en train d’élaborer un catalogue de mesures détaillées. Il est déjà certain aujourd’hui que tous les moyens sur le plan de la politique intérieure doivent être exploités. L’augmentation de la RPLP est incontournable : au mieux l’introduction d’une taxe sur le transit alpin. Mais aussi faire de la sécurité routière un sujet. Il faut augmenter les contrôles des poids lourds pour assurer que les standards en vigueur sur la route et sur le rail soient similaires. Par ailleurs, il est nécessaire de thématiser les conditions de travail souvent précaires de nombreux chauffeurs. Le dumping social et la pression sur la sécurité sont intolérables. Et cela, dans l’intérêt des employés concernés mais aussi dans celui des autres usagers de la route et des personnes habitant le long des routes de transit.

Quelles sont les prochaines étapes clés?
En décembre 2016, le tunnel de base du Gothard sera exploité pleinement suivi en 2020 par celui du Ceneri. A peu près au même moment, le corridor 4 mètres sera achevé sur tout l’axe du Gothard. Nous avons cette fenêtre temporelle de quatre ans pour atteindre l’objectif de transfert de 650 000 poids lourds au maximum et ce n’est pas une utopie ! Le nombre de poids lourds en transit s’élève aujourd’hui à près d’un million. La Confédération estime que l’exploitation performante de la NLFA favorisera le transfert de 200 000 trajets camions supplémentaires. Grâce à des mesures complémentaires d’ordre politique et technique, il sera possible de contraindre encore 150 000 poids lourds à prendre le rail. Voilà le travail à faire avant de toucher au but.

Il est souvent argumenté que les camions sont bien plus propres qu’en 1994 et que le transfert du trafic ne serait pas nécessaire.
Plus propres ? En ce qui concerne l’oxyde d’azote et les poussières fines, ce n’est qu’une demi-vérité. Quant aux émissions de CO2, il n’y a aucune amélioration. Un camion en émet encore autant aujourd’hui qu’il y a 30 ans. La question climatique est le nouveau défi dans les transports et donc également pour la protection des Alpes. C’est pourquoi nous exigeons l’introduction de valeurs limites de CO2 pour les poids lourds. De plus, jusqu’à aujourd’hui, ni le rôle des poussières ultrafines (PM 2,5) n’a été étudié ni les valeurs limites de ces particules définies. Les spécialistes estiment qu’elles sont bien plus dangereuses que ce qui a été admis jusqu’ici. Le taux de maladies respiratoires plus élevé au Tessin qu’ailleurs est significatif.

Tu es donc motivé pour poursuivre ton engagement en faveur de la protection alpine?
Oui, et l’équipe de l’Initiative des Alpes également. Je suis convaincu que notre mission est en phase avec notre époque. Des millions de camions nuisent aux Alpes et à leur population mais aussi à tous les habitants le long des grands axes de trafic. L’engagement en faveur du transfert reste une mission importante et noble. Notre motivation est sans limite !