19. août 2020

En 2017, les coûts externes de la mobilité en Suisse ont atteint près de 13,4 milliards de francs. La redevance poids lourds liée aux prestations RPLP vise l’internalisation de ces coûts dans le domaine du transport routier des poids lourds, mais elle n’en couvre que 1,061 des 2,36 milliard. Interview de Christina Hürzeler de l’Office fédéral du développement territorial ARE, responsable du nouveau rapport.

Qu’est-ce qu’on entend par « coûts externes » ?
Les coûts externes sont les coûts générés par la mobilité mais qui ne sont pas inclus dans le prix de la mobilité. Par exemple, quand je voyage en voiture, je paie la voiture, l’essence et l’assurance, mais je ne paie pas la pollution de l’air ni le bruit que je cause. Cette partie des coûts que je provoque doivent être supportés par d’autres. 

Les coûts externes pour l’ensemble des transports en 2017 s’élevaient à 13,4 milliards de francs suisses. Comment interprétez-vous ce montant ?
D’un point de vue économique, les prix de la mobilité sont trop bas, ce qui entraîne une surconsommation. Si les prix étaient plus élevés, certains de ces voyages bon marché ne seraient pas entrepris. D’un point de vue économique, des prix trop bas constituent une fausse incitation, ce qui signifie que les ressources ne sont pas utilisées de manière suffisamment efficace.

Après l’imputation de la RPLP, 1,299 milliard de coûts externes non internalisés du trafic poids lourds restent à la charge de la société. Comment se situent ces coûts par rapport aux années précédentes ?
Les chiffres n’ont pas beaucoup changé au fil du temps. Nous avons constaté que depuis 2010, ces coûts externes effectifs ont toujours été compris entre 1,25 et 1,35 milliard de francs. En 2017, ils étaient légèrement inférieurs à ceux de 2016, mais c’était principalement dû au fait que les recettes de la RPLP avaient légèrement augmenté en raison des ajustements tarifaires.

Quels sont les domaines où les coûts externes causés par les poids lourds sont les plus importants ?
Il s’agit en particulier des domaines de la pollution de l’air et du bruit, qui génèrent chacun des coûts d’environ 600 millions de francs. Dans le cas de la pollution de l’air, nous parlons de fines particules de poussière qui provoquent des problèmes de santé tels que des maladies respiratoires ou des problèmes cardiovasculaires, qui entraînent à leur tour une augmentation des coûts de la santé. Ces polluants atmosphériques nuisent aussi à la biodiversité ou entraînent de mauvaises récoltes. Dans le cas du trafic, il y a aussi les coûts de congestion qui s’élèvent à environ 500 millions.

Le transport de marchandises par la route est le mode de transport le plus dommageable pour l’environnement, comparé au rail, à l’air et par bateau. Ce résultat vous surprend-il ?
Les coûts élevés s’expliquent d’abord par le fait que le transport routier est le mode de transport qui présente le plus grand nombre de tonnes-kilomètres. Le volume de transport est donc supérieur à celui des autres modes de transport et cette situation est particulièrement prononcée par opposition au transport aérien et par bateau. Ensuite, si l’on compare les coûts externes du transport routier de marchandises à ceux du transport ferroviaire, le transport ferroviaire est également plus performant en termes de coûts climatiques et d’accidents. Par conséquent, le rail génère beaucoup moins de coûts externes dans ces domaines-là.

L’objectif de la RPLP est d’internaliser les coûts découlant du transport de marchandises par la route mais il reste 1,299 milliards à la charge de la société. Pourquoi n’est-il pas possible de couvrir tous les coûts externes avec la RPLP ?
Lors de la fixation du taux de la RPLP, d’autres aspects importants – en dehors des coûts externes – doivent également être pris en compte, comme les aspects politiques au niveau national et international. Il y a par exemple l’accord sur les transports terrestres avec l’UE qui fixe le niveau maximum du tarif de la RPLP.

Qu’est-ce que vous attendez de la révision de la RPLP ?
Nous fournissons aux décideurs politiques la base de leur prise de décision mais au final, ce sont eux qui décident de la révision de la RPLP. Le Conseil fédéral a également comme but de transférer le transport de marchandises à travers les Alpes de la route au rail. La prise en compte des coûts externes contribue à la vérité des coûts. La RPLP a permis d’accroître l’efficacité du transport routier de marchandises et c’est un objectif qui continuera certainement à être important. La RPLP est aussi une source de revenus pour les investissements dans les infrastructures ferroviaires et routières.

Quels résultats attendez-vous pour 2019 concernant les coûts externes du transport routier de marchandises ?
Pour 2019, les coûts externes seront à peu près conformes aux résultats précédents. Il n’y a pas eu de fluctuations économiques majeures qui auraient pu avoir un impact majeur sur le volume de marchandises transportées. Par contre en 2020, l’activité économique a diminué en raison du confinement et de la baisse significative du transport de marchandises durant le premier semestre. Moins de trafic signifie moins de charges pour la population et l’environnement, ce qui signifie des coûts externes moins élevés. Cependant, il n’est pas encore possible de faire des déclarations définitives sur l’année 2020 dans son ensemble.

 Arrivera-t-on, selon vous, à internaliser tous les coûts des transports pour 2030 ?
Au niveau fédéral, la partie programme du plan sectoriel des transports définit l’orientation stratégique de la politique suisse des transports et elle est justement en ce moment en cours de révision. L’un des objectifs est que les utilisateurs des services de mobilité doivent de plus en plus payer eux-mêmes leurs coûts externes. Dans les discussions politiques qui ont eu lieu jusqu’à présent, nous avons constaté que des éléments autres que les aspects purement économiques et fiscaux ont également du poids. Nous avons aussi observé – et nous en sommes ravis – que les coûts externes suscitent de plus en plus l’intérêt de la population et font de plus en plus l’objet de discussions politiques.