21. avril 2021

Qu’il y ait toujours plus de chutes de pierres en montagne et que celles-ci soient de plus en plus dangereuses pour les marcheurs, ça, on le sait, mais comment randonner alors en toute sécurité en montagne si les températures augmentent toujours plus ? Un projet pilote unique en Suisse travaille à la sécurité des chemins.

tob. Stefan Gwerder marche en tête sur le sentier bordé de daphnés et d’anémones. Il dégage des branches du chemin, comble un trou ici et là sur son passage et décide quels seront les arbres qui resteront en place parmi ceux qui sont couchés. Le versant du Rigi Hochflue tombe à pic sur le Lac des Quatre Cantons et les hêtres qui le recouvrent doivent avoir des racines extraordinaires pour s’y tenir : « Il y a une semaine, on ne pouvait pas passer ici à cause d’une coulée de neige », explique Stefan Gwerder, directeur de l’association Schwyzer Wanderwege.

L’association prend part au programme pilote de la Confédération « Adaptation aux changements climatiques », et plus précisément au projet « Randonner serein en 2040 », encore unique en Suisse (voir en encadré). Dans un document de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) et l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF) expliquent que la Suisse doit se préparer à vivre des étés plus secs, des précipitations plus importantes, et donc à des dangers accrus en milieu alpin. Les conséquences de cette évolution toucheront d’autres
chemins pédestres en Suisse. Le but du projet est d’identifier les dangers naturels pertinents et de créer une base scientifique pour des mesures concrètes.

«  Nous devrons prévoir des dépenses plus élevées pour sécuriser les chemins de randonnée.  »

Stefan Gwerder est originaire de la vallée du Muotatal et travaille à environ 80 % pour les Schwyzer Wanderwege. Il a constaté que le nombre de randonneurs dans les montagnes ne cesse de croître parce qu’ils tentent de fuir la crise du corona et les canicules estivales. « Je me réjouis de voir de plus en plus de gens randonner », dit-il en continuant son chemin qui mène à la passerelle traversant le ruisseau Fallenbach.

Chutes de pierres récurrentes
Sigi Weber, qui est garde forestier dans la région de Arth, Gersau et Küssnacht, observe depuis 30 ans la situation dans les forêts. « Je constate que nous avons de bien plus nombreuses chutes de pierres qu’il y a encore quelques années », affirme-t-il. L’exemple le plus récent : en décembre 2020, un bloc de roche chutait sur le versant nord du Rigi pour atterrir à proximité de la route très fréquentée. Pour Sigi Weber, il est clair que la sécheresse a accéléré la disparition des frênes : « La forêt ne s’est jamais complètement remise de la sécheresse estivale de 2018. Jamais les hêtres n’ont autant souffert. » Mais il ajoute : « Paniquer ne sert à rien, nous devons observer la situation avec sang-froid. »

Nous arrivons sur la passerelle traversant le torrent Fallenbach et l’eau gronde déjà en dessous de nous. Elle ira s’élancer dans le Lac des Quatre Cantons. La ravine est raide et impraticable. Dans cette région, il y a eu plusieurs fortes chutes de pierres en peu de temps. La passerelle a été construite en bois de sapin et repose sur des socles en béton et des porteurs d’acier. L’ancienne traversée en rondins de bois n’était plus assez sûre car le torrent avait creusé la pente et dégagé l’ancrage. « En raison du risque de crues permanent, nous avons construit le pont plus haut et plus loin du versant », explique Stefan Gwerder. Il craint qu’à l’avenir dans le canton de Schwyz, les glissements de terrain, les laves torrentielles ainsi que les coulées de boue ne deviennent plus fréquents.

Bénévolat
L’association Schwyzer Wanderwege a environ 1000 membres et le réseau pédestre cantonal atteint 1700 km. Les responsables, assistés de bénévoles, veillent à la sécurité du réseau pédestre dans leur commune respective. Sans bénévolat, l’entretien des chemins serait trop onéreux. « À l’avenir, nous devrons probablement prévoir plus de dépenses pour sécuriser les chemins de randonnée, notamment dans les zones où la forêt a partiellement perdu sa fonction protectrice », explique Stefan Gwerder.

Sur le chemin du retour, Stefan Gwerder raconte les « misères » que peut provoquer une paroi en poudingue. Celle-ci « perd » ses pierres de plus en plus souvent. Puis il montre une petite bande rocheuse près du chemin. « Ce gazon sur ce versant escarpé a lui aussi une fonction importante. Au cours d’étés secs, l’herbe et la mousse qui recouvrent la couche supérieure sèchent, les racines meurent et ne maintiennent plus ensemble les couches d’humus et de schistes. » Est-ce que ces gazons sont, avec les schistes et le poudingue, à la région schwytzoise ce que le pergélisol est aux Alpes ? Lorsque ces ciments naturels disparaissent, la menace de catastrophe augmente.

Buts du projet

flk. La Confédération a lancé le programme pilote « Adaptation aux changements climatiques » afin d’examiner de quelle manière la Suisse peut s’adapter aux changements climatiques.

Parmi les 50 projets lancés, l’un d’entre eux s’appelle « Randonner serein 2040 ». Les résultats de l’étude de l’association Schwyzer Wanderwege serviront de base à la prochaine phase du projet. Il s’agira en effet de réaliser des études de cas dans trois régions pilotes dans le canton du Valais, des Grisons et de Schwyz pour appliquer les constatations aux spécificités régionales. L’idée est de créer un catalogue de remarques pouvant être utilisé par les responsables des chemins de randonnée pédestre pour relever les défis futurs de manière ciblée en faisant preuve de prévention.