22. mai 2018

Les habitants de Goms ne peuvent vivre sans forêt. Elle les protège des chutes de pierres et avalanches. Fredy Zuberbühler, garde forestier de « Forst Goms » a des soucis et des stratégies avisées.

tob. Ici un pin à l’écorce bien dessinée, et là, un épicéa au tronc droit. A leur côté se dresse un mélèze dont le bois est si résistant aux intempéries. Et plus loin un frêne, un solide bouleau et un saule dont le printemps fait éclore les chatons. Quel plaisir de se balader avec Fredy Zuberbühler dans les forêts de protection de Goms. Il les entretient depuis plus de 30 ans et se demande ce qu’il se passera si les températures grimpent encore plus rapidement.

Les prévisions se sont réalisées
Le changement climatique est un sujet récurrent chez les forestiers, dit Fredy Zuberbühler. Ils sont tous d’accord sur un point : les années à venir seront remplies de défis. « Il est effrayant de constater que les prévisions des scientifiques se sont réalisées avec précision », dit Fredy Zuberbühler. Ce qui signifie que les situations météorologiques sont devenues plus extrêmes, les périodes de sécheresse plus longues et les pluies plus intenses. Les tempêtes sont en outre plus fortes.

« Nous ne pouvons rien faire contre les intempéries et la sécheresse extrêmes, ni ici dans les montagnes ni sur le Plateau », ajoute-t-il. Il est responsable du secteur écologie de « Forst Goms ». Il convient de s’assurer du bon entretien de la forêt, de la garder en bonne santé et de maintenir une grande biodiversité.

Dans le rapport cantonal « Forêt valaisanne et changements climatiques », on peut lire : « L’augmentation de la fréquence des ouragans et la prolifération des organismes nuisibles vont augmenter la mortalité des arbres. » En conséquence, du bois mort jonche plus souvent le sol et les forêts sont plus facilement détruites par le feu. Les versants valaisans méridionaux sont les plus menacés et déjà soumis à une forte sécheresse.

Travail récompensé d’un prix
Goms est marqué par le Rhône qui prend sa source au glacier du même nom et qui s’écoule jusque dans la Méditerranée. Le grand glacier a subi un retrait très rapide ces dernières années et rend manifeste le changement climatique. Que la limite forestière supérieure soit plus élevée est moins évident. Fredy Zuberbühler a constaté la présence plutôt extraordinaire de noisetiers à une altitude de 1850 m. « Les jeunes mélèzes et épicéas poussent aujourd’hui entre 2500 et 2600 m – 300 m plus haut que lorsque j’ai commencé ici. »

Originaire d’Appenzell, il a 56 ans, est marié et père d’un fils. En Appenzell, raconte-t-il, il fallait que le travail en forêt soit profitable. Si un mètre cube de bois valait alors en moyenne 148 francs, le prix a chuté aujourd’hui entre 70 et 80 francs. Le gain de la vente du bois ne couvre ainsi plus qu’une petite part des coûts d’entretien des forêts. « Nous avons près d’un million de francs de charges par an tandis que le bois génère peut-être 300  000 francs de rentrées. »

Il y a 5 ans, « Forst Goms » a reçu le « Prix Binding pour la forêt » de la fondation « Sophie und Karl Binding Stiftung » pour leur gestion exemplaire de la forêt protectrice. Les forestiers de Goms avaient entre autres eu l’audace d’abattre de manière ciblée de vieux arbres pour renouveler la forêt protectrice – une intervention souvent observée avec crainte et scepticisme par les indigènes. Fredy Zuberbühler et ses collègues ont également tenté de laisser le bois mort à terre afin de faciliter le renouvellement naturel. L’étroite collaboration avec les chasseurs de Goms a contribué également à rendre exemplaire le travail dans cette forêt.

Des mélèzes âgés de 800 ans
Lors d’une balade avec Fredy Zuberbühler, on ressent son amour des arbres et de la forêt. En passant, il ramasse des déchets, sait interpréter les fumées des cerfs, parle de la communication entre les arbres et du pouvoir curatif de la résine. « L’homme se surestime souvent et se targue de ce qu’il fait. Mais à côté des exploits de la nature, ce n’est rien. »

Fredy Zuberbühler poursuit avec « Forst Goms » une stratégie circonspecte. Il y a peu de temps, alors qu’il voulait abattre un arbre, un collègue lui fit remarquer que du gibier se couchait souvent à cet endroit, il renonça à son projet. « Nous prenons aussi grand soin des vieux arbres car ils sont importants pour l’organisme qu’est la forêt », explique-t-il. Certains épicéas atteignent jusqu’à 600 ans, et certains mélèzes même 800 ans. « Comme le bois rapporte moins aujourd’hui, nous pouvons nous permettre de laisser des arbres chers en place », ajoute le garde forestier. Et il est bien visible que cet ami de la nature s’en réjouit.

Des versants envahis
De temps à autre, ce forestier amical se met en colère. « Depuis 50 ans, nous misons plus sur le trafic routier que sur le rail et nous nous chauffons encore trop au mazout. » Une déclaration claire en faveur d’une réduction du CO2. Le réchauffement climatique l’inquiète tandis que la situation importe peu à la plupart des gens. Il s’oppose à des projets tels que les Jeux olympiques en Valais même si lui-même pratique le sport.

Si la limite forestière supérieure s’élève, les arbres retiendront la neige plus haut et empêcheront ainsi les avalanches. Cela pourrait être un avantage du réchauffement climatique qui n’apportera toutefois rien, si les tempêtes et la sécheresse continuent d’affaiblir la forêt. En outre, il semblerait qu’en raison des températures croissantes, des néophytes telles que l’ailante envahissent la forêt. Pour l’instant, cette essence ne s’est pas encore implantée à Goms, mais elle est déjà présente dans le Bas-Valais et au Tessin. « L’ailante est beaucoup moins robuste que les arbres indigènes et totalement inapproprié pour une forêt de protection. On le voit déjà envahir des versants tessinois », dit Fredy Zuberbühler. Aujourd’hui, le bostryche résiste mieux à Goms qu’il n’y a encore quelques années et les tiques dans les sous-bois sont un rappel peu agréable des températures croissantes. Fredy Zuberbühler : « Le climat de Goms s’est beaucoup adouci. »

Journal échos 150