20. septembre 2017

L’efficacité des camions ne s’est pas améliorée ces dernières années. Roberto Bianchetti* et Peter de Haan* de l’entreprise de conseil EBP, secteur de la mobilité durable, sont d’avis qu’en plus d’un transfert au rail, le trafic doit être freiné de manière générale.

Entretien sur le trafic des poids lourds avec des experts de la mobilité

mh. Les émissions d’oxydes d’azote et de poussières fines des camions ont diminué au prix d’énormes investissements. Peut-on le constater également dans la consommation de diesel et les rejets de CO2 ?
Les moteurs diesel des camions ont toujours été optimisés de manière à réduire au maximum les coûts de carburants. Le potentiel technique de réduction de la consommation est par conséquent plus petit que pour les voitures. Les réductions des rejets d’oxydes d’azote et de particules fines des moteurs diesel se font au détriment de l’efficacité énergétique. C’est la raison pour laquelle, l’efficacité des moteurs de camions a stagné ces dernières décennies.

Que signifie cette stagnation pour le changement climatique ?
Les rejets de CO2 de l’industrie et de la construction diminuent depuis 1990 alors que celles du trafic ne cessent d’augmenter. Ces dernières années, l’augmentation a pu être freinée grâce à l’introduction de prescriptions sur le CO2 pour les voitures et camionnettes. Selon les prévisions, le trafic routier ne cessera de s’accroître ces prochaines décennies. Si l’efficacité des camions ne s’améliore pas, leur contribution aux émissions globales de CO2 augmentera également.

Que faut-il faire ?
Il faut réussir à freiner la croissance du trafic, exploiter des véhicules plus efficaces et utiliser des énergies renouvelables. Des prescriptions sur le CO2 ont été introduites pour les voitures et camionnettes neuves. L’Etat ne contrôle cependant pas si celles-ci sont réellement respectées. L’UE compte mettre en place de telles prescriptions aussi pour les camions à moyen terme afin d’exploiter les potentiels d’efficacité restants. Il faut continuer de saisir les coûts externes du trafic liés à la pollution atmosphérique et sonore par exemple. En intégrant les coûts climatiques, le bien-fondé d’une augmentation de la RPLP ne serait pas mis en doute et entrainerait un effet de transfert vers le rail.

Dans le transport de personnes, la mobilité électrique est dans toutes les bouches. Quel est le potentiel novateur du trafic de marchandises ?
Pour l’électromobilité, seul du courant écologique devrait être utilisé, avec les grands avantages sur les émissions polluantes et de CO2 qui en résultent. Les véhicules électriques toutefois utilisent aussi les routes et restent bloqués dans les bouchons. Plusieurs de ces modèles sont susceptibles d’être produits en grande série. Le trafic de marchandises lui ne se laisse pas si facilement électrifier. Pour la logistique urbaine ou pour de courts trajets, les camions entièrement électriques sont une option. Ceux actuellement utilisés dans le cadre de projets pilotes en Suisse sont rentables du fait de leur performance de conduite élevée, toutefois sur de courtes distances uniquement.

Un potentiel d’innovation existe-t-il dans le trafic de transit ?
D’une manière générale, les trafics de passagers et de marchandises à courte distance doivent être d’abord électrifiés. Pour celui à longue distance, l’utilisation de carburants de substitution entre en ligne de compte : hydrogène d’origine renouvelable, biocarburant de deuxième génération, tout au plus du gaz naturel mais issu d’électricité renouvelable. A notre avis, du fait de leur besoin énergétique trop élevé et du poids de leurs batteries, les camions électriques ne sont pas une option sur les longues distances. Des approches telles que des pistes autoroutières inductives ou des caténaires pour camions sont irréalistes car elles requièrent une uniformisation et un investissement élevés.

Que faire alors pour diminuer les émissions polluantes des camions ? Un transfert total du fret ?
Il faut endiguer l’augmentation du trafic avant de le transférer. En incluant les coûts externes tels que le changement climatique, la consommation de ressources non renouvelables et le morcellement du paysage, un transfert au rail partiel du fret routier pourra être amorcé.

NOS REVENDICATIONS

CO2
Les camions émettent aujourd’hui tout autant de CO2 nuisible au climat qu’il y a 20 ans. L’introduction d’objectifs en matière de flotte permettrait de les faire diminuer et de protéger les Alpes qui souffrent particulièrement du réchauffement climatique.

RPLP
La RPLP est à compléter par d’autres éléments qui porteraient par exemple sur les rejets de CO2 des poids lourds car son effet sur le transfert ne cesse de décliner vu que les poids lourds sont classés dans des catégories qui n’évolueront plus.

* Roberto Bianchetti a étudié les sciences de l’environnement et de l’énergie à l’EPF de Zurich. Depuis 2012, il est responsable de la mobilité efficace au sein de l’entreprise de conseil EBP.

* Peter de Haan est responsable du groupe politique de l’énergie et mobilité au sein de l’entreprise de conseil EBP. Il enseigne en outre « Energie et mobilité » et « Nouveaux modèles de gestion pour la mobilité d’avenir » à l’EPFZ.

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