17. février 2005

Conseiller national Fabio Pedrina, président de l’Initiative des Alpes
Le transfert sur le rail du trafic marchandises à travers les Alpes n’en est qu’à ses balbutiements. La faute au Conseil fédéral, lequel, avec sa politique hésitante, ne fait pas usage de sa compétence en la matière. L’Initiative des Alpes réclame le strict respect du délai fixé pour le transfert modal, un délai qui a déjà été prolongé de cinq ans. La mise en œuvre de l’article constitutionnel sur la protection des Alpes dans le nouveau délai imparti est devenue la pierre de touche de la démocratie directe et de la crédibilité de nos autorités.

Avec le OUI du 20 février 1994 à l’article constitutionnel relatif une redevance sur la circulation des poids lourds proportionnelle aux prestations (RPLP), la Suisse a fait un pas courageux dans sa politique des transports, concrétisé le 1er janvier 2001 par l’introduction de cette nouvelle redevance – une bonne vingtaine d’années après le lancement des débats sur une nouvelle imposition des poids lourds, débats qui ont débouché dans un premier temps sur une redevance forfaitaire. Si l’on a pu craindre au début que la Suisse reste longtemps seule dans sa démarche, on constate aujourd’hui, fort heureusement, que ce n’est pas le cas. La RPLP est l’un des instruments de mise en œuvre de l’article constitutionnel sur la protection des Alpes, approuvé par le peuple lors de ce même scrutin du 20 février 1994. Mais il faut savoir que l’effet du renchérissement du transport routier induit par la RPLP est neutralisé par le relèvement du poids maximal autorisé, intervenu simultanément. Conséquence absurde de cette situation: au bout du compte, davantage de marchandises franchissent les Alpes par la route, alors que le nombre de trajets a légèrement diminué. La baisse du trafic automobile lourd à travers les Alpes suisses intervenue ces dernières années est donc réjouissante, très réjouissante même si l’on compare cette évolution à celle observée au Brenner, mais elle est aussi trompeuse pour l’avenir. En automne 2004 déjà, le Conseil fédéral présentait une stratégie pour la mise en œuvre de l’article constitutionnel sur la protection des Alpes. Le calendrier proposé prévoyait que le travail législatif nécessaire prendrait fin en 1997 et que la mise en œuvre débuterait en 1998. Mais l’Accord sur les transports terrestre est arrivé entre-temps, et ce n’est que le 1er janvier 2001 que la loi provisoire sur le transfert du trafic est entrée en vigueur – au même moment que la RPLP et que l’Accord sur les transports terrestres. La loi sur le transfert du trafic arrivera à échéance en 2010, tout comme le plafond de dépenses destiné à l’encouragement du transport ferroviaire de marchandises. Le délai fixé par le peuple pour le transfert modal (2004) s’est ainsi écoulé sans avoir été mis à profit. Le délai fixé par le Parlement dans la loi sur le transfert du trafic (2009) risque de subir le même sort. C’est le Conseil fédéral, avec sa politique hésitante, qui en est responsable. Les mesures prises et engagées à ce jour sont certes judicieuses, mais tout le monde sait depuis des années que la RPLP, les NLFA, la réforme du rail et l’intensification des contrôles de poids lourds ne permettront pas, à elles seules, d’atteindre l’objectif fixé. Il y a 11 ans, le souverain donnait au Conseil fédéral le mandat de reporter sur le rail les marchandises en transit par les Alpes, ainsi que la compétence d’agir si nécessaire par voie d’ordonnance (art. 84, al. 2 Cst., en lien avec l’art. 182, al. 1 cst., qui correspond à l’art. 36sexies Cst. de l’initiative des Alpes). Or, jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas fait usage de cette compétence. Il a préféré opter pour la voie législative – la voie lente – après avoir temporisé pendant 10 ans. Ça ne peut plus durer! Pour l’Initiative des Alpes, l’article constitutionnel sur la protection des Alpes devra être appliqué au plus tard en 2009. Depuis longtemps, la protection des Alpes n’est plus seulement une question de préservation de l’environnement; elle est devenue la pierre de touche de la démocratie directe et de la crédibilité de nos autorités. Si la cote de confiance du Conseil fédéral auprès du peuple est descendue aussi bas, c’est aussi en raison de la non-application de l’article constitutionnel sur la protection des Alpes. L’ouverture visée vers l’Europe ne pourra se faire que si le Conseil fédéral et le Parlement respectent la volonté du peuple. Il n’est pas acceptable que les autorités prennent prétexte de prétendus problèmes internationaux pour bafouer cette volonté. L’Europe, qui a pris le même chemin que la Suisse en politique des transports, attend maintenant que notre pays, précurseur sur le dossier du transfert modal, franchisse une étape supplémentaire! En lançant l’idée d’une bourse du transit alpin, l’Initiative des Alpes propose une voie efficace et réaliste pour faire ce nouveau pas.