16. juillet 2017

Produire des milliers de kilomètres est rentable, mais engendre une explosion des transports nuisible à la santé et l’environnement. Notre prix la « Pierre du diable » montre depuis 2002 l’absurdité de certains transports, tandis que le « Cristal de roche » récompense de bons exemples. Cette année, c’est à vous de décider qui méritera ces prix !

ip. Les prévisions de croissance du trafic international des marchandises sont effrayantes. La Confédération annonce une hausse du fret routier de 37 % d’ici 2040 et l’OCDE envisage une hausse de 160 % des émissions de CO2 imputables au transport mondial de marchandises d’ici 2050.

La Suisse s’efforce de transférer les marchandises de la route au rail, ce qui permet de réduire les émissions de CO2 du fret. Mais elle n’atteint pas pour autant ses objectifs climatiques. C’est pourquoi nous demandons plus de mesures : s’attaquer aux transports superflus et encourager l’efficience des transports. Ainsi nos deux prix – la Pierre du diable et le Cristal de roche – montrent de tels exemples. Quel est le transport le plus insensé ? Quel projet, au contraire, vous semble judicieux pour limiter les transports ? Le vote est à présent clôt, les prix seront rendu public le 28 septembre 2017.

Pierre du diable

Fiji : l’eau d’une île du Pacifique, un goût de paradis ?
Le marché de l’eau de luxe est en plein essor, à l’exemple de Fiji, importée par Trivarga et vendue chez Manor et Globus notamment. Elle véhicule l’image d’une eau pure, provenant d’une île volcanique paradisiaque, couverte de forêt tropicale. Mais la réalité est autre : elle parcourt plus de 22 000 kilomètres dans la cale d’un cargo jusqu’en Angleterre pour rejoindre en camion le marché suisse. D’autant plus paradoxal que le gouvernement de Fidji préside la prochaine conférence climatique internationale COP23. Cet état insulaire est en effet particulièrement menacé par les changements climatiques et la hausse du niveau des océans.

Emmi : boisson énergisante ou énergivore ?
L’entreprise Emmi domine le marché des boissons café au lait rafraichissantes et offre une alternative locale aux produits importés tels Starbucks. Toutefois une boisson d’Emmi étonne : la cannette Caffè Latte Extra Shot, produite en Allemagne avec du lait suisse. Un aller retour de 1360 kilomètres en camion. L’entreprise explique que la canette lui permet d’être présente sur le marché des boissons énergisantes et qu’aucune société en Suisse ne peut conditionner des produits laitiers dans des boîtes en alu. Etonnantes justifications pour une entreprise qui s’engage à réduire ses émissions de CO2 de 25 %. D’autant que sa version en gobelet produite en Suisse engendre 13 fois moins de CO2, rien que pour les transports.

Migros : la chasse, un produit régional et de saison ?
Ce n’est en tout cas pas le cas de ce civet de cerf vendu par Migros et élevé en Nouvelle Zélande. Abattu puis congelé, il parcourt près de 22 000 kilomètres en bateau jusqu’au port de Bremerhaven en Allemagne, puis plus de 900 kilomètres jusqu’en Suisse. Le gibier représente seulement 1 % de la consommation carnée en Suisse, mais le quart des importations provient d’Océanie ! Le porte parole de Migros nous a précisé que le groupe s’engage à ne proposer que du civet de cerf européen dès 2019. Faire le choix de la proximité permet de réduire d’un facteur 9 les émissions de CO2 liées au transport.

Cristal de roche
Lausanne : bien manger à l’école
La ville de Lausanne a mis en place une démarche innovante pour nourrir les 6400 enfants qui mangent à l’école. Portée par l’unité du développement durable, elle cible la proximité, la qualité des produits, le respect des standards nutritionnels, la systématisation d’une journée végétarienne hebdomadaire, le tout dans un cadre budgétaire stricte, un maxima de 25 centimes est accordé lorsque les précédents critères sont respectés. L’objectif de proximité est très ambitieux : 70 % des achats alimentaires doivent provenir d’un rayon de 70 km. Un défi que Lausanne a choisi de relever en pionnier et qui peut inspirer d’autres collectivités publiques.

Zurich : combiner e commerce et e vélo
Forte d’un partenariat avec les CFF, l’entreprise zurichoise ImagineCargo a développé un service vélo wagon vélo pour assurer un transport entre les agglomérations suisses, allemandes et autrichiennes en réduisant de 99 % les émissions de CO2. Les colis sont transportés du client à la gare à vélo, chargés dans un train voyageur, puis délivrés au destinataire à vélo. Les vélos cargo électriques peuvent transporter jusqu’à 250 kilos. Pour son responsable Nick Blake, l’alliance entre le vélo et le rail pourra relever le défi engendré par la croissance des commandes en ligne.

Cernier : laine de l’arc jurassien
Une mobilisation populaire et 20 000 signatures ont permis de maintenir le soutien accordé à la laine de mouton indigène, que la politique agricole voulait supprimer. Le mouvement s’est transformé en association de passionnés « Laines d’ici » installée à Cernier dans le canton de Neuchâtel. Trois à quatre tonnes de laines sont récoltées dans l’arc jurassien. La plus grande part est transformée en matériaux d’isolation en Thurgovie, mais « Laine d’ici » vient d’investir pour transformer localement sa laine. Avec l’objectif de valoriser une tonne sur place selon sa vice présidente Valérie Thiébaut, soit de teindre, carder, filer ou feutrer la laine par des artisans de la région.